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vendredi 28 mars 2014

Sonia Bergerac est certes un personnage de fiction, mais c'est dans Tableau noir. La défaite de l'école, Livre de Iannis Roder, un professeur bien réel qui enseigne l'histoire et la géographie en "zone d'éducation prioritaire", qu'on apprend que celle qui se risque à féminiser son apparence est considérée comme - verlan -"une tepu, une tassepé, une lopesa qui mérite de se faire tourner". Et ce jugement est intériorisé par ses cibles mêmes. Des élèves confient à leur professeur que s'habiller comme une femme, c'est chercher les problèmes: "Je n'ai que ma mère, je suis un bonhomme, je suis obligée", dit l'une d'entre elles. Obligée mais consentante: "Vous savez , monsieur, je suis une fille bien, moi !" Et une autre ratifie, dans un grand élan de servitude volontaire, le verdict sans appel de sa camarade: "De toute façon, une fille qui met une jupe, c'est une pute."
La jupe fait de la femme un objet de désir et donc de mépris. C'est cette logique de malheur qui rapproche deux vêtements que tout sépare à première vue: le pantalon, d'origine masculine, symbole de la modernité, et le voile, symbole de la tradition et réservé aux femmes. Les jeunes filles qui ne portent pas le voile doivent compenser cette insolence en portant le pantalon pour dissimuler leur féminité. Mais pas n'importe quel pantalon, bien sûr. Comme le dit une jeune femme interrogée par Christine Bard: "Même mon jean-baskets, c'est pareil pour eux, c'est féminin ; mais en jogging et casquette, tu n'as aucun problème." Camouflée sous le déguisement masculin d'un survêtement informe, elle échappe aux insultes, on la laisse tranquille. La désexualisation ou le harcèlement: telle est l'alternative qui gouverne sa vie
La violence dans les quartiers dits sensibles  est souvent imputée à l'exclusion sociale. La misère génère l'agressivité, la discrimination produit la délinquance, le désespoir causé par l'absence de débouchés nourrit la haine et enflamme les cités, dit la sociologie courante, cette nouvelle sagesse des nations. Elle dit vrai, bien sûr. Mais dit-elle toute la vérité? La violence ne serait-elle pas liée à l'exclusion de la féminité et au désert affectif qui en résulte? N'est-elle pas une conséquence du déni de sensibilité et de l'interdiction d'être galant que ces quartiers imposent? Ce qui rend dur et brutal, c'est la mauvaise réputation de la douceur, c'est une définition de la virilité qui implique de dédain et même le dégoût de celles "qui veulent bien", c'est, pour tout dire, la vigilance sans faille que la misogynie collective exerce sur le comportement de chaque individu. Dans le documentaire La Cité du mâle, tourné à Vitry sur les lieux où une adolescente, Sohane, a été aspergée d'essence et brûlée vive par celui qu'elle venait d'éconduire, on voit un jeune homme se moquer des "bouffons qui tiennent la main d'une meuf". Là où cette dérision a force de loi, où la beauté physique témoigne d'une nature dépravée, où toute relation amoureuse est une menace pour l'intégrité masculine, la violence règne. Alain Finkielkraut  L'identité malheureuse  Stock P. 73
"Chez les peuples vraiment libres, les femmes sont libres et adorées" Saint Just. Alain Finkielkraut  L'identité malheureuse  Stock P. 77
Quelques collégiennes seulement étaient en jupe. Elisabeth Badinter a demandé aux autres pourquoi elles n'en faisaient pas autant; Réponse de l'une d'entre elles: "Les Français peuvent, pas les Arabes." Un garçon a renchéri:: "Chez nous, on met le voile, pas la jupe."
Ce que veut dire ce "chez nous", c'est, si l'on en croit Ayaan Hirsi Ali, la femme politique néerlandaise d'origine somalienne aujourd'hui réfugiée aux Etats-Unis, qu'en matière de sexe, les hommes sont perçus dans la culture musulmane comme des animaux irresponsables perdent tout contrôle lorsqu'ils voient une femme" Alain Finkielkraut  L'identité malheureuse  Stock P. 78

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