« Il est à peine exagéré de dire que
l'excellence explosive des sciences pures et naturelles en Amérique
(notamment de la physique) entre, mettons, 1938 et les années
soixante-dix, est la conséquence directe des persécussions nazies
et fascistes. Celles-ci ont conduit en Amérique ce qui est sans
doutes la communauté intellectuellement la plus douée depuis
l'Athènes du Vème siècle et la Florence de la Renaissance :
la bourgeoisie juive d'après le ghetto, originaire de Russie,
d'Europe centrale, d'Allemagne et d'Italie. C'est la communauté
d'Einstein et de Fermi, de von Neumann et de Teller, de Gödel et de
Bethe. Les prix Nobel américains de sciences ont été son carnet
d'adresses. Mais cette immigration formidablement sélectionnée a
animé bien plus que les sciences. L'histoire intellectuelle et
artistique, les études classiques, la musicologie, le psychologie de
la Gestalt (1) et la théorie
sociale, la jurisprudence et l'économétrie telles qu'elles
fleurissent dans les collèges, les universités et les instituts de
recherche américains depuis le début de la Seconde Guerre mondiale
sont le produit immédiat de la diaspora centre-européenne et slave.
De même que la floraison des galeries d'art et des orchestres
symphoniques, du centre nerveux du milieu du siècle que nous
appelons Manhattan. Sans l'arrivée de l'intelligentsia juive, sans
le génie de Léningrad, de Prague, de Budapest, de Vienne et de
Francfort dans la culture américaine des décennies passées, que
reste-t-il ? …/... La guerre du Viet-nam et la crise
économique ont quasiment arrêté l' « exode des
cerveaux ».George
Steiner « Passions impunies »
Gallimard p
286.
(1) La
Gestalt,
est une pshychotérapie
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