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dimanche 28 décembre 2014

Conférence de Sartre sous le titre  L'existentialisme est un humanisme. Sartre se veut didactique. Il part donc de la réalité la plus prosaïque et la plus quotidienne: "lorsqu'on considère un objet fabriqué, comme par exemple un livre ou un coupe-papier, cet objet a été fabriqué par un artisan qui s'est inspiré d'un concept ; il s'est référé au concept de coupe-papier, et également à une technique de production préalable qui fait partie du concept, et qui est au fond une recette. Ainsi le coupe-papier est à la fois un objet qui se produit d'une certaine manière et qui, d'autre part, a une utilité définie, et on ne peut pas supposer un homme qui produirait un coupe-papier sans savoir à quoi l'objet peut servir. Nous dirons donc que, pour le coupe-papier, l'essence, c'est à dire l'ensemble des recettes et  et des qualités qui permettent de le produire et de le définir, précède l'existence" Sartre L'existentialisme est un humanisme, Nagel, 1970, p.18. Et, poursuit Sartre, la différence et le coupe-papier, c'est qu'il n'y a pas de concept d'homme dont chaque individu serait un exemplaire. L'homme n'est pas fabriqué, il naît. Il n'est pas la mise en oeuvre d'une idée préalable mais le miracle ordinaire d'un pur commencement.Bref, l'homme est l'être chez qui l'existence précède l'essence: "Qu'est-ce que ça signifie ici que l'existence précède l'essence? Cela signifie que l'homme existe d'abord, surgit dans le monde et qu'il se définit après. L'homme, tel que le conçoit l'existentialiste, s'il n'est pas définissable, c'est qu'il n'est d'abord rien. Il ne sera qu'en suite et il sera tel qu'il se sera fait. Ainsi, il n'y a pas de nature humaine, puisqu'il n'y a pas de Dieu pour la concevoir. ibid.,p.21-22.
Existentialisme : le mot est neuf, mais non la définition qu'il se donne. N'imaginant Dieu que sous les traits d'un créateur tout-puissant, Sartre arrache l'homme à l'emprise divine. Or, dans le discours fondateur de l'humanisme -  le célèbre De dignitate hominis composé en 1486 par Jean Pic de La Mirandole -, c'est Dieu lui-même qui suspend pour l'homme la règle universelle de la création. Ce qu'explique, en effet, Pic de La Mirandole dans le mythe qui ouvre son discours, c'est que l'homme est la conséquence d'un Démiurge imprévoyant ou distrait. Après avoir créé le monde, selon les voies de sa sagesse impénétrable, l'Architecte souverain ne voulut pas rester seul face à cette magnifique construction. Il avait besoin d'un admirateur. Il lui fallait absolument un être qui fût en état de reconnaître la raison de son oeuvre et de l'aimer pour sa beauté. Il songea donc à produire l'homme. mais l'univers était déjà rempli et il n'y avait plus d'archétypes en magasin. Toutes les recettes avaient été utilisées. le parfait artisan se trouvait à court de concepts et de modèles. Renoncer n'étant pas dans son tempérament, Dieu "décida finalement qu'à celui à qui Il ne pouvait rien donner en propre serait commun tout ce qui avait été le propre de chaque créature. Il prit donc l'homme, cette oeuvre à l'image indistincte, et l'ayant placé au milieu du monde, il lui parla ainsi: "Je ne t'ai donné ni place déterminée, ni visage propre, ni don particulier ô Adam, afin que ta place, ton visage et tes dons, tu les veuilles, les conquières et les possèdes par toi-même. La nature enferme d'autres espèces en des lois par moi établies.Mais toi que ne limite aucune borne, par ton propre arbitre entre les mains duquel je t'ai placé, tu te définis toi-même [...]. je ne t'ai fait ni céleste, ni terrestre, ni mortel ni immortel afin que, souverain de toi-même, tu achèves ta propre forme librement, à la façon d'un peintre ou d'un sculpteur. Tu pourras dégénérer, en forme inférieures, comme celles des bêtes, ou, régénéré, atteindre les formes supérieures, qui sont divines". Pic de La Mirandole, œuvres philosophiques, PUF, 1993, p. 5-7.

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