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dimanche 26 octobre 2014

J'aime ces petits villages resserrés autour d'une église, d'un torrent aux murmures rafraîchissants, ces chalets de bois aux plafonds bas, aux meubles propres et odorants, aux lits encastrés, couverts d'un duvet blanc épais, qui attendent le voyageur. Chaque pièce respire l'opulence et la simplicité, chaque recoin semble une fondrière de bien-être. Et la neige qui tombe a pour moi valeur d'intimité, elle rassemble les êtres, s'adresse en nous à l'amoureux transi, au sédentaire. Au contraire de la pluie qui suit bêtement les lois de la gravité, la neige descend avec noblesse, frôle les corniches, consent à se poser sur un coussin déjà préparé par d'autres flocons. Elle ouate les bruits, cache nos laideurs, donne un sentiment d'immobilité comme si, après avoir consenti à la chute, elle remontait lentement de la terre vers le ciel. Elle n'est pas froide, elle réchauffe les cœurs, se fait l'agent subtil du désir. Chaque fois qu'en montagne, j'ouvre les yeux sur une nuit que bleuissent les flocons larges et doux, je crois voir entre les branches des sapins encapuchonnés, accourant à ma rencontre, le visage de la femme aimée qui se détache, énigmatique et bienveillant. Pascal Bruckner Un bon fils  Grasset p.29

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