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samedi 27 juillet 2013

Le latin:

« Sous des dehors divers et successifs, lexicaux et grammaticaux, le latin conserve en Europe un rôle essentiel dans le droit, la politique, la philosophie, la science et la littérature, depuis la chute de l'Empire romain jusqu'à la fin du XIXe siècle. C'est bien évidemment l'idiome de la proposition philosophique et scientifique, du débat et de la critique, de Thomas d'Aquin à Leibniz, de Roger Bacon à Copernic, Kepler et Newton. C'est en latin que l'on rédige et soutient les thèses universitaires. Même ubiquité en littérature : de la Pologne jusqu'au Portugal, on compose en latin des drames, des poésies lyriques, des satires, des poèmes épiques. Grâce au véhicule latin, Milton se fait connaître hors d'Angleterre . Baudelaire se montre capable d'écrire des vers latins, et Tennyson, et Hopkins. Or l'effet est plus étendu, l'aura est plus vaste. Il serait difficile d'interpréter avec cohérence la rhétorique des littératures européennes, les notions fondamentales du sublime, de la satire, du rire qu'elles incarnent et qu'elles expriment, sans avoir nettement conscience du « sous-entendu » latin, de ces négociations inintérrompues, souvent quasi subconscientes, soit d'intimité ou de distance, entre l'écrivain de langue vulgaire et son moule latin. Cette relation est aussi cruciale chez Corneille que chez Valéry. Il arrive parfois que le néo-latin oppose au lecteur de très grandes difficultés. Ceux d'entre nous qui peuvent le lire convenablement sont relativement peu nombreux : ce fait tout simple laisse un creux, une dénivellation près du pivot même des études comparées en France. Là encore, une tâche nécessaire et passionnante nous attend. » George Steiner « Passions impunies » Gallimard p 138.

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