Lundi 30 juillet 2018 :
Le monde est une sorte de vaste rocher où vivent
des animaux de toutes sortes pour qui les notions morales de bien et de mal, de
bon et de mauvais n’ont pas de signification. Ou plutôt, ces notions n’existent
pas. Les animaux – humains ou non – vivent ensemble, mais ne forment pas un
ensemble, ils sont posés là sans unité, il n’y a pas de commun. A l’occasion,
ils sont du gibier. Ce qui distingue les animaux humains de ceux qui ne le sont
pas ? peu de chose à vrai dire, sinon l’essentiel : la parole.
Les films de Boetticher sont uniques dans le genre
western, ils sont la mise en scène de ce qui permet la parole humaine, mélanger
les valeurs, brouiller les significations, subvertir les rôles, et surtout
mentir. C’est pourquoi il n’y a pas de morale certaine de référence, de sorte
que, comme on vient de le dire, le monde est strictement et littéralement un
rocher où les animaux échangent des mots, ce qui a pour conséquence qu’ils
échangent des balles. La mort rôde parmi les rochers, parce que les mots sont
des projectiles. De là vient la dimension profondément tragique de l‘existence
telle qu’elle est mise en scène par Boetticher. On préférerait une existence
désirable parce que, dans l’épreuve, on se console de savoir qu’il y a des pôles
de repos, des valeurs sûres, des espaces pacifiés. Or il n’en est rien. Il n’y
a rien à quoi se raccrocher, sauf les rochers ; rien qui vaille mieux que
ce dont je dispose dans l’instant : la parole et une arme. Gérard Mairet. Politique du western. Presses Universitaires de Vincennes. Avril 2018. P.58
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