Je crois dérisoire l’énoncé de
vos moments de découragement, comme si vous pouviez basculer dans le côté
obscur du renoncement, encore moins du suicide. L’argument est absurde qui nie
votre caractère, l’ordre des probabilités comme vos convictions religieuses.
Au-delà des difficultés, vous étiez-là, debout, vivant, déterminé, totalement
présent dans notre monde et son histoire. Quel sens, quel contenu faut-il
donner à ce qui ne s’est finalement pas produit ? Vous êtes évidemment
plongé, comme tous, dans l’humaine condition, notamment celle du cœur, de l’intimité,
de l’affection qui, chez vous, ne doivent pas surprendre : votre « chère
petite femme chérie » ; vos enfants que vous aimez sans oser le leur
dire, sauf à Anne, la petite dernière, « le tout petit », qui s’éveille
quelquefois en écoutant vos chansons brûlantes de ferveur, et qui vous
bouleverse ; Colombey, votre retraite, sa bibliothèque et son jardin, l’essentiel
pour préparer, peut-être, un jour, le renouveau que vous guettez dans l’ombre ;
tout ce qui fait de vous, Charles de Gaulle, un homme, rien qu’un homme parmi
les hommes. Qui peut vous dénier le droit au découragement passager ? L’homme
peut souffrir, même lorsqu’il habite sa statue ; il a sa part de doute,
peut-être ses tentations au renoncement, ses ruptures de pente qui donnent du
contenu à la profondeur. Mais il reste par-dessus out celui qui se tient
debout, toujours même en Irlande, quand votre vie publique est terminée, et qui
regarde au loin, sous les nuages lourds, là où l’horizon se brouille. Yves De Gaulle. Un autre regard sur mon grand-père Charles De Gaulle. Plon. P. 180
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