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lundi 23 février 2015

Tout est fondamentalement soumis à la volonté. Comme le résumait déjà Spinoza dans son Ethique,  "les hommes se croient libres parce qu'ils sont conscients de leurs volitions et de leurs appétits",  mais ils n'ont en réalité aucun contrôle  sur ces derniers. Ils sont comme une pierre lancée dans les airs qui se convaincrait de réaliser son rêve: voler. Ils imaginent vouloir une chose parce qu'elle est bonne, alors que c'est l'inverse: ils la jugent  bonne parce qu'ils la désirent... Pour Spinoza comme Schopenhauer, le libre arbitre est une illusion. les préférences politiques, morales, religieuses ou encore idéologiques ne sont pas le fruit d'un examen  rationnel éclairé ; ils résultent d'envies et d'instincts hors de contrôle - d'un esprit "souterrain", dira Fiodor Dostoïevski. Alors que le libéralisme des Lumières triomphe en Europe, Schopenhauer amorce une idée qui bouleversera Freud et les pionniers des sciences psychosociales: les individus sont déterminés par quelque chose d'inconscient, jusque dans leurs comportement et leurs visions du monde. Outre quelle abolit notre liberté, poursuit Schopenhauer, cette "tyrannie du vouloir" nous pousse à désirer des choses qui n'apportent aucune satisfaction, et rend la vie difficile à supporter. L'amour, par exemple, est pour lui la traduction consciente de cette entreprise: comme la volonté ne veut rien d'autre que se perpétuer, à travers l'espèce notamment, elle encourage par tous les moyens la reproduction sexuelle. C'est pourquoi le célibat et l'abstinence peuvent sembler difficiles à vivre, désagréables ou tout simplement mal vus; mais à l'inverse, poursuit Schopenhauer, quand un couple se forme et donne naissance à des enfants, la passion des premiers temps cède la place à une monotonie morne, à des disputes, et l'idylle se conclut souvent par une séparation ombrageuse... Le bonheur  échappe systématiquement à l'homme. cette vision pessimiste de l'existence est résumée en une formule devenue emblématique: "la vie donc oscille, comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l'ennui." Fabien Trécourt, revue Sciences Humaines,  mars 2015, n° 268 p. 56.

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