En même temps que la vie, ce sont les manifestations fondamentales de la culture qui sont frappées à leur racine. La religion est purement et simplement éliminée, l'esthétique réduite à un phénomène social. L'approche d'une oeuvre d'art, quel que soit sont genre - littérature, peinture, architecture -, n'est donc pas spécifique, il ne s'agit pas de voir en elle ce qui, avec la perception de formes nouvelles, permet l'accroissement de la sensibilité mais, son caractère esthétique n'étant plus pris en considération, de rendre compte de son apparition à partir d'un certain nombre de données historiques, sociales, économiques, linguistiques, mais en tout cas objectives. Quant à l'étique, sa situation est plus singulière encore. Un pur objectivisme retire à la moralité tout site assignable, car seule la vie peut-être morale ou immorale. On le voit bien si on considère par exemple une sociologie "scientifique": elle explique par leurs conditions sociales meurtres, vols et viols, retenant en ces phénomènes, ne serait-ce que pour pouvoir les distinguer, l'ombre de la vie transcendantale à laquelle appartiennent l'acte de tuer, l'acte de voler, l'acte de violer. Mais parce qu'elle gomme en même temps cette subjectivité axiologique et, bien plus, l'écarte infailliblement: pour autant que le vol, le meurtre s'expliquent sociologiquement par leurs conditions objectives, ni le voleur ni le meurtrier ne sont responsables, ils n'existent plus sur le plan de l'éthique, ils ont cessé l'un et l'autre d'être des hommes. Michel Henry La barbarie Puf Quadrige Grands Textes p. 160.
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